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La biologie intégrative est une nouvelle
science, dont le développement pose des difficultés
théoriques difficiles et spécifiques issues
des mathématiques, de la physique et de la biologie.
Elle concerne la description intégrée des multiples
phénomènes intervenant dans les divers niveaux
des organisations structurale et fonctionnelle hiérarchiques
du vivant (emboîtement de poupées russes). Elle
requiert donc un formalisme mathématique spécifique
nouveau, capable de traverser les niveaux d'organisation.
La vie d'un organisme vivant se résume
à un ensemble d'interactions de multiples mécanismes
élémentaires qui se déroulent au bon
moment, au bon endroit (ils sont dit "spatiotemporels).
Tout "codage" dans le vivant est par conséquent
de nature spatiotemporelle. Ces mécanismes sont fonctionnels,
car ils correspondent à une certaine fonction physiologique.
Lorsque cette fonction est perturbée, elle est dite
pathologique.
Quelles données caractérisent ces mécanismes
?
- D'abord, ils sont construits sur une structure physique,
c'est-à-dire un ensemble de molécules. Par
exemple, ce sera un neurone qui agira sur un autre neurone,
ou encore une glande qui agira sur une autre cellule par
l'intermédiaire d'une molécule, l'hormone.
La complexité d'un organisme provient de cette construction
"intégrée" d'une multitude de mécanismes.
- Ensuite, le mécanisme élémentaire
peut résulter de la physique, comme le transport
ionique à travers une membrane. Il peut aussi résulter
de la combinaison de plusieurs lois physiques comme la conservation
de la matière et celle de la charge électrique.
- Mais il peut aussi avoir une action retardée sur
une autre structure physique: c'est là qu'apparaissent
les difficultés qui font du système biologique
un système très complexe. En effet, la notion
de fonction apparaît lorsqu'une structure physique
agit sur une autre à distance avec, par conséquent,
un certain délai. Il s'agit d'une interaction
fonctionnelle qui satisfait les lois de la physique.
La
détermination quantitative de ces actions (ou relations
entre structures physiques) fait l'objet de la physiologie
expérimentale. A l'époque de Claude Bernard,
elle s'appelait physiologie
générale.
Dans le souci de résumer et de clarifier
la situation, j'emploierai l'expression structure anatomique
pour structure physique, autrement dit un agencement de molécules
dans l'espace physique, par exemple un neurone localisé
à tel endroit du cerveau. J'appellerai alors
interaction fonctionnelle l'action élémentaire
d'une structure sur une autre. En conséquence, les
problèmes de la physiologique intégrative seront
:
- 1) l'identification des structures
anatomiques capables d'action sur d'autres structures anatomiques:
- 2) la détermination
de ces actions (relations quantitatives) ;
- 3) la re-construction d'une
fonction physiologique à partir de ses interactions
élémentaires.
Les points 1)
et 2) sont l'objet de la biologie
intégrative expérimentale.
Le point 3) est celui de la biologie
intégrative théorique et computationnelle*.
La question posée est de savoir comment
atteindre ces objectifs...
*
Une tendance actuelle est aussi d'appeler ce domaine la "bioinformatique",
terme que je considère comme impropre pour désigner
la biologie intégrative. A mon sens, les bioinformaticiens
ont une approche réductionniste plutôt qu'intégrative,
bio-informatique pure plutôt que mathématique.
Ceci alors ne conduit qu'à des mises en relation de
façon quasi-automatique (détermination des relations
par l'étude systématique d'ensemble de données).
Ceci peut apparaître à certains comme une intégration...
mais ce n'en est pas une (lire notamment mon
courrier envoyé au mensuel La Recherche
en réaction
à l'article "Où va la biologie" d'Evelyn
Fox Keller (La recherche, juin, n° 376, p.30), courrier
publié dans le n° 378 de septembre 2004
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